La petite Sawtche, alias « La venus hottentote », issue de la tribu Khoïkhoï, nait en 1789 en Afrique du Sud.
Esclave d’un fermier boer, elle a le malheur d’être dotée d’une hypertrophie des hanches et des fesses, en somme d’un postérieur énorme, qui la transformeront en monstre de foire et feront de sa vie en enfer.
Cette mère de deux enfants a qui l’on avait promis fortune et liberté en Europe, sera tour à tour déracinée, traitée comme un animal (littéralement, puisque vendue à un dresseur d’animaux), exhibée et abandonnée.
Alors même que l’acte d’abolition de la traite des esclaves est signé depuis plusieurs années (1807), elle devient un objet de fascination pour le public et les scientifiques.
Humiliée (entre autre, le public payait pour toucher ses fesses), puis prostituée, elle devient un objet sexuel pour aristocrates français en mal de divertissements malsains.
Le film « Venus Noire » d’Abdellatif Kechiche retranscrit les mœurs malsaines de l’époque, et le calvaire de Sawtche.
Devenue alcoolique, elle finira seule et déprimée, et meurt à 27 ans des suites d’une maladie probablement attrapée dans le bordel où elle a été abandonnée, après que le public tour à tour londonien, hollandais et français (Victor Hugo l’évoquera même dans Les Misérables) se soit désintéressé de ce « monstre de foire » censé démontrer l’infériorité de la race noire : un rapport compare son visage à « un commencement de museau encore plus considérable que celui de l'orang-outang », et la taille de ses fesses avec celle des singes femelles à l'occasion de leur menstruation.
Même la mort ne lui laissera pas de repos, puisque, devenue un objet de fascination pour les scientifiques, elle sera disséquée par l’un d’entre eux, Georges Cuvier, comme sujet d’étude visant à asseoir les préjugés racistes de l’époque. Il déclarera notamment « (…) je n'ai jamais vu de tête humaine plus semblable aux singes que la sienne ».
Pour situer le contexte, il faut savoir que les sans (ou Khoïkhoï), un des peuples originels de l’Afrique du Sud, était méprisés par les européens, qui pensaient étayer leur théorie raciste grâce à leur anatomie particulière, les femmes de ce peuple souffrant souvent de stéatopygie, c'est à dire d'un grand excès de graisse dans les fesses.
Le terme Hottentot est péjoratif dans les bouches européennes de l'époque.
Qualifiés de peuple « le plus misérable de l'espèce humaine », ils étaient plus assimilés à des animaux qu’à des êtres humains. Sawtche n’a pas eu d’autre choix que de jouer ce rôle, elle qui pourtant jouait de la musique et parlait 3 langues…
Une femme Khoïkhoï dont la ressemblance avec le moulage de Sawtche est frappante.
Son destin lui vaut d’être devenue un symbole du racisme le plus profond, du colonialisme, et de leur barbarie.
En 1994 Nelson Mandela demande la restitution de ses restes, mais il faudra attendre 2002 pour que la France accepte de rendre la dépouille et que l’Afrique du Sud puisse lui rendre la dignité qu’on ne lui a jamais donnée. Elle repose dorénavant dans son village natal.
Georges Cuvier mourra du cholera en 1832 à Paris.
Il repose au cimetière du Père-Lachaise. Peu de chances qu’on aille fleurir sa tombe.