Le faste des palais ottomans

Pénétrer les palais d’Istanbul, c’est découvrir le faste ottoman dans toute sa splendeur, mieux appréhender l’histoire des sultans, et comprendre la vie de harem, entre mythe et réalité.

Topkapi

Topkapi, le cœur de l’empire ottoman

Topkapi

Nous voila dans le vif du sujet, le cœur du pouvoir ottoman, puisqu’ici ont vécu 30 des 36 sultans de la dynastie, durant 400 ans.

Topkapi

Le palais de Topkapi, résidence principale du sultan et siège officiel du gouvernement impérial, est une véritable ville dans la ville (jusqu'à 4000 personnes y ont vécu). Il constituera certainement votre visite la plus longue dans Istanbul, puisqu’il s’étend sur 70 ha, bien que toutes les pièces ne soient pas ouvertes au public. Tristesse (ou soulagement pour certains).

Topkapi
Topkapi

 

Un ensemble incomparable de bâtiments construits sur 4 siècles, unique par la qualité architecturale de ses bâtiments autant que par leur organisation qui reflète celle de la cour ottomane. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Unesco, qui a classé le site au patrimoine mondial de l’humanité.
Le palais, dont le nom signifie « palais de la porte des canons », domine la Corne d'Or, le Bosphore et la mer de Marmara. Sympa la vue.

Le palais de Topkapi

Mehmet II (le conquérant de Constantinople) alors installé dans le « Vieux Palais » ou Eski Sarayı, cherche un meilleur emplacement et fait ordonner la construction d’un nouveau palais, qui ne cessera de s’agrandir avec les siècles, surtout grâce à Soliman.
Les sultans prennent soin de leur palais et font tout pour qu’il en jette. Mehmet II s’entoure des meilleurs artisans (maçons, tailleurs de pierre, charpentiers), Soliman, lui, ira jusqu’à travailler lui-même certains détails, étant orfèvre de métier. Résultat, tout est raffiné à Topkapi.

Topkapi

 

Le Eski Sarayı deviendra le lieu d’exil des sultanes déchues (dont les complots ont mal tournés ou l’amour abandonné...), puis au 20ème siècle, l'Université d'Istanbul.

 

La vie à la cour

Pour bien s’imprégner des lieux, il est utile de comprendre le quotidien du sultan et de sa cour.
Vivant en autarcie, la cour disposait de dortoirs, jardins, bibliothèques, d'écoles et de mosquées. L’accès au palais était réglementé, la hiérarchie et le protocole très importants, et le sultan isolé. Tout était fait pour lui assurer, ainsi qu’à sa famille (de nombreuses femmes et enfants), confort et intimité, afin qu’ils puissent voir sans être vus, et emprunter des passages secrets.

Le « divan », l’équivalent d’un conseil des ministres, se tient plusieurs fois par semaine. Il est présidé par le sultan et son  grand vizir.

Topkapi

Giovanni Francesco Morosini, cardinal italien du 16ème siècle, a décrit la routine quotidienne de Mourad III (j’ai supprimé les passages misogynes du curé....) :

 

 À mon avis, le sultan n'a pas une vie si désirable, car il reste quasiment enfermé dans son sérail en la compagnie d'eunuques, de garçons, de nains, de muets et d'esclaves [...] Le matin il se lève relativement tard et, en sortant du quartier des femmes où il dort quasiment chaque nuit, il change de costume et aussitôt il mange. Si c'est un jour de Conseil, il donne audience à l'agha des janissaires, aux juges de l'armée, et finalement aux vizirs ; et si quelqu'un a été promu gouverneur de province ou autre, il obtient le droit de venir embrasser sa main sans émettre une seule parole ni recevoir de réponse. Quand le vizir repart après un temps assez court, il retourne la plupart du temps avec les femmes, dont la conversation l'enchante grandement, et s'il reste à l'extérieur, il se retire dans l'un de ses jardins pour pratiquer le tir à l'arc et pour jouer avec ses muets et ses bouffons. De la musique bruyante lui est souvent jouée, et il apprécie beaucoup les feux d'artifices. [...] Des pièces de théâtre sont souvent jouées pour lui [...] Enfin il rentre toujours au harem pour le dîner à l'approche de la nuit, hiver comme été.

Topkapi

Un cruel raffinement

Pendant que notre roi et sa cour portaient des perruques ridicules et chi…..derrière les tentures de Versailles, les ottomans passaient des heures au bain et arboraient un sacré sens du style entre robes damassées, soieries, fourrures, pierres précieuses, couronnes et turbans.
Cependant, si les sultans vivaient dans le luxe et un raffinement extrême, ils pouvaient dans la même journée trancher des têtes (celles des traîtres et des intrigants), et se laver les mains à l’eau de rose avant de déguster des loukoums lol

 

Le harem, une cage dorée

Mené d’une main de fer par la sultane Valide, la mère du sultan, le harem est la résidence privée du sultan, de ses concubines, épouses, du reste de sa famille et de leurs serviteurs, soit près de 400 personnes. Tout ca pour un seul homme.

Muhteşem Yüzyıl Kosem

Muhteşem Yüzyıl Kösem

NOTE – Les femmes du harem et le chef des eunuques, dans la série Muhteşem Yüzyıl Kösem.

 

Le harem de Topkapi, construit à la fin du 16ème siècle, comprend plus de 300 pièces, un immense complexe dont seule une faible partie est ouverte au public.
Au rez de chaussée, les appartements des esclaves, au dessus ceux des concubines, et au sommet, les favorites :

Topkapi
Topkapi

 

Il faut imaginer à l’intérieur du harem une tripotée de cousins, voiles et autres soieries.

Topkapi
Topkapi
Topkapi

 

Pour en savoir plus sur la vie dans le harem, c’est par ici.

 

Les sultans quitteront Topkapi à partir de 1853, préférant le palais de Dolmabahçe, le long du Bosphore, dans un style européen plus « Cour de Versailles ».

Le meilleur moment pour y aller. Sans surprise, le matin, pour éviter les interminables files d’attente. Fermé le mardi.

Budget. Inclus dans le museum Pass, ou 6.50 € (30 TL)

#TopkapıSarayı

Dolmabahçe, le petit Versailles oriental

Rive européenne, quartier de Beşiktaş

Dolmabahçe

 

Même si l’humidité du beau Topkapi finit par le rendre insalubre, les sultans n’allaient pas le délaisser pour une bicoque, même dotée d’une super vue…
Le Palais de Dolmabahce, premier palais de style européen de la ville, symbole de l’occidentalisation de la cour situé sur le Bosphore, est choisi pour accueillir les nouveaux sultans.
Il deviendra la résidence de 6 d’entre eux.

Dolmabahçe

Un des portails du palais donnant sur le Bosphore.
                Istanbul - 2017                       

      45 000 m2, 285 pièces, un escalier et des lustres en cristal de Baccarat – dont le plus grand du monde dans la salle du trône – des facades en marbre blanc, de l’or il en fallut 14 tonnes pour décorer son intérieur du velours, des tapis en veux-tu en voila, le palais est un véritable petit Versailles stambouliote, toute proportion gardée. Rien n’a été épargné au lieu pour lui donner le faste rococo en vogue à l’époque.

Dolmabahçe

Dolmabahçe

NOTE – Un salon que Marie Antoinette n’aurait pas renié.

Dolmabahçe

NOTE – Les photos sont interdites (mais chut…)

Dolmabahçe

 

La pièce la plus impressionnante est la salle du trône : 36 m de hauteur, plus de 2000 m2 de superficie.
Presque un palais dans le palais.

Dolmabahçe
Dolmabahçe

 

Si au début de la visite on en viendrait presque à envier le travail des gardes, plantés dans ce décor fastueux toute l’année, au bout de 2 heures, on serait presque blasé de tant d’exubérance baroque. Mais le lieu n’en est pas moins une nouvelle surprise, par son style sensiblement différent des autres monuments, bien que toujours oriental.
Moment émotion : le père de tous les turcs et 1er président Kemal Ataturk, y est mort le 10.11.1938 à 9h05. Toutes les horloges du palais ont été arrêtées et n’ont jamais repris leur course.
C’est également de ce palais que le dernier sultan fut exilé en secret.

Dolmabahçe


Le meilleur moment pour y aller.
Le site est limité à 3000 visiteurs, ferme à 16h, demande bien 2h de visite, donc éviter de vous y pointer à 14h, surtout en haute saison...  Fermé le lundi et jeudi.

Budget. 8.60€ (40 TRY) pour le billet palais et harem combiné.

#DolmabahçeSarayi

 

The place to be

Un lieu sympa à proximité : la brasserie Nişantaşı Beymen située non loin du palais. Conçue par la géniale designer de la mosquée Sakirin, Zeynep Fadillioglu. Look Art déco dans une atmosphère de bistrot français, résolument dans la tendance.

Brasserie

 

Un menu très varié avec des classiques dignes d’un véritable bistrot parisien (soupe à l'oignon, soufflé au fromage, saumon fumé, steak «Café de Paris»), aussi bien que des pizzas, risottos, pâtes, ou des sashimis, et une excellente sélection de vins.

Le meilleur moment pour y aller. Après votre visite du palais biensûr, mais attention, réservation fortement conseillée, surtout le week-end.

Où ? Harbiye Mahallesi, Abdi İpekçi Cd. 23/1, 34365 Şişli/İstanbul

Le Palais de Beylerbeyi, lieu de romance secrète ?

Rive asiatique, quartier de Beylerbeyi

Beylerbeyi

 

Un autre palais du 19ème siècle, baroque (style Second Empire) comme celui de Dolmabahçe, mais plus sobre.
Son nom vient de « bey des beys », gouverneur général en turc, alias Mehmet Paşa. Le palais servait de résidence d'été et de lieu de divertissement pour les chefs-d'États en visite, comme par exemple l'empereur autrichien Franz Joseph (le chéri de Sissi), le roi Édouard VIII et l'impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, qui fut impressionnée par le luxe de cette demeure sur les rives du Bosphore : jardins odorants ornementés d’un bassin et d’une fontaine, autour d’une alcôve de marbre blanc abritant lustres et chandeliers en cristal de Bohême et Baccarat, vases de Sèvres, et une profusion de peintures et de tapis orientaux.

Beylerbeyi
Beylerbeyi

 

Elle y rencontra pour la 2ème fois le sultan Abdulaziz, qu’elle avait accueilli au jardin des Tuileries.
Il était alors le 1er premier sultan à voyager en Europe occidentale.

Beylerbeyi

 

On ne sait pas trop alors ce qui s’y passa officieusement… En tout cas, le sultan mis le paquet pour la belle : elle fut escortée en caïque de luxe jusqu’au palais, des bruits de canons furent tirés pour annoncer son arrivée, et Abdulaziz lui avait fait confectionner un lit avec un dais tissé de fils d’or.
Un vrai conte de fée.

Beylerbeyi

La caïque envoyée pour Eugénie.
Le Monde Illustré, 1869

Elle y passa 5 jours de rêve, mis à part une gifle reçue par la mère du sultan, lorsque celle-ci pensa qu’Eugénie devenait un peu trop intime avec son fils : le sultan lui tenait le bras dans le harem, alors qu’aucune femme etrangère n’y était admise. Maman avait certainement du flair, car une rumeur indiqua que le sultan se fit conduire au palais une nuit en secret et n’en partit que le lendemain matin…Vue la suite de l’Histoire pour lui, il a bien fait d’en profiter car il finira suicidé  ou assassiné, on ne sait pas trop – avec des ciseaux, après son abdication. Istanbul lui doit son musée d'archéologie et son 1er code civil.
Le palais fut également la derniere demeure du dernier sultan, Abdul Hamit II.

Le meilleur moment pour y aller. Tous les jours de 9 à 17h, sauf le lundi et le jeudi. Mais no stress, le palais est moins fréquenté que celui de Dolmabahce.

Budget. 4.30€ (20 TL). Un peu galère d’y aller à pied (comme beaucoup d’endroits à Uskudar), prenez un taxi depuis l’embarcadère, ca vous coutera 3€.

 

#BeylerbeyiSarayı

Topkapi