Une brève Histoire de l’Afrique du Sud

Retour sur les grandes périodes qui ont construit la nation Arc-en-ciel.
Retour sur la lutte d’un peuple pour ses droits, et sur un homme devenu légende.

Pretoria

Deux hommes posent pour nous à Pretoria, devant le Tribunal de justice où Mandela fut condamné.


Une terre sans nation

L’Afrique du Sud, peuplée par différentes tribus,  est un trésor de ressources, propice à la colonisation. Elle le sera à la fois par les néerlandais (Boers), les anglais, et plus modestement par 1200 protestants français (les huguenots, ayant fui l’oppression religieuse suite à la révocation de l’Edit de Nantes* en 1685).
Pour exploiter cette nouvelle terre riche de promesses, les blancs doivent réduire en esclavage les populations locales, accaparer leurs terres et bétails. Plus tard, les populations indiennes, indonésiennes et malgaches viendront grossir les rangs de cette main d’œuvre bon marché. La traite des esclaves bat son plein, constituant les bases de la future « Nation arc-en-ciel ».
Les chefs tribaux locaux ne sont pas de taille à lutter contre l’arrivée de ces européens qui s’installent au Cap, dans un premier temps afin que la Compagnie des Indes hollandaise puisse ravitailler en eau et en nourriture leurs navires commerçant en Inde et en Indonésie. Les san rebaptisés bushmen (la tribu du film Les Dieux sont tombés sur la tête) par les colons, sont massacrés (à tel point qu’il n’en reste aujourd’hui plus qu’au Botswana et en Namibie).

*La Révocation de l’Edit de Nantes en 1685  par le Roi-Soleil interdit tout autre religion (donc protestante) en-dehors de la religion catholique.


Le « Grand Trek » : le Far North East Sud-Africain

Grand Trek Boers

 

1835 à 1840.

Des chariots tirés par des bœufs foulent la poussière des grandes étendues désertiques, les femmes, les enfants, et les esclaves à l’arrière : les afrikaners (ou boers) partent à la conquête de terres promises, suivis de leur bétail. Ils fuient les anglais du Cap, qui les dominent depuis 1806, révoltés que ceux-ci décident d’abolir l’esclavage et les priver ainsi d’une main d’œuvre gratuite (soit de 40 000 personnes), sans compensation. Durant cette période, 30 000 Boers décident de migrer vers l’intérieur du pays afin de fonder une communauté libre et indépendante, régie par ses propres lois. Ils partiront ainsi peupler les terres des tribus africaines, combattants les Ndébélés et les zoulous.

L’histoire afrikaner prétend pourtant que ces terres étaient inhabitées. Et c’est sûr ce socle que l’idéologie de l’Apartheid se construira : européens et noirs seraient arrivés en même temps sur le territoire. Ce qui bien sûr est faux : le peuple sans était présent dans la région du Cap depuis 15 000 ans, les khoi koi (ou Hottentots) 2000 ans, et les Bantus dès le 2eme siècle. Le mythe de la terre vierge ne tient pas.

 Quant à l’intérieur des terres où se dirigent les boers, les rois zulus s’étaient déjà charger eux même de vider une partie du territoire en se faisant la guerre entre tribus. Il ne restait plus qu’un type d’ennemis à affronter : les rois zulus, qui perdirent par faute d’armes adéquates. Le mythe de l’homme blanc contre Le Péril noir était né.

Grand Trek

 

Une dizaine d’années après, les anglais finiront par reconnaitre les républiques boers (le Transvaal et l'État libre d'Orange).

 

Rois zulus contre Empire britannique

Guerriers zoulous

 

Shaka est le premier roi sud-africain à avoir fédérer autant de tribus autour de lui. Guerrier stratège et visionnaire, il crée une véritable armée de métier et réussit en 4 ans à conquérir un territoire encore plus grand que la France.

Shaka

 

Tyran, sanglant, cruel (il fit exécuter plus de 7 000 hommes et femmes à la mort de sa mère, fit tuer les vieillards des peuples vaincus), il n’en est pas moins devenu une fierté légendaire pour le peuple zoulou opprimé par les Blancs. Un modèle de force et de rébellion.

Seuls les guerriers zoulous « Impi ebumbu » réussissent à mettre en échec les anglais, à la bataille d’Isandhlwana le 22 janvier 1879, grâce notamment à la tactique de la « tête du buffle » (attaquer simultanément par les côtés et par le centre pour encercler l’adversaire) de l’ancien roi Shaka.
La chanson « Impi » de Johnny Clegg, relate cette bataille, très importante pour le peuple zulu.

Hopeless battalion destined to die
Bataillon désespéré destiné à mourir

Broken by the Benders of Kings
Brisé par la Volonté des Rois

Vainglorious General and Victorian pride
Général orgueilleux, fierté Victorienne

Would cost him and eight hundred men their lives
Vont lui coûter sa vie et celle de ses 800 hommes

 

Le (vieux) film L’ultime attaque, (Zulu dawn) relate la bataille des anglais contre les guerriers zoulous.

 

Humiliés par cette défaite, les Britanniques remontés à bloc enchaînent les victoires et capturent le roi Cetshwayo kaMpand. Ils démembrent le royaume fondé par Shaka en le divisant en treize territoires.

Britanniques contre Boers, sur une terre d’or et diamants

Durant 30 ans, tout se passe à peu près bien entre Boers et anglais. Ces derniers conservent la zone littorale afin d’étendre leur commerce, et les fermiers afrikaners cultivent les terres. Jusqu’à que quelque chose vienne réveiller l’appétit britannique : des diamants sont découverts à Kimberley (1867), et de l’or (1886) dans le Transvaal, en zones néerlandaises. La guerre est inévitable. Elle durera 3 ans. Deux personnages l’incarneront : Cécile Rhodes et Paul Kruger, celui-là même qui donnât son nom au célèbre parc. Il devra s’exiler lorsque les anglais remporteront le conflit.

Pour résumer, les deux camps se sont fait la guerre pour le partage d’un pays qui ne leur appartenait même pas, puis, lorsque le conflit fut soldé, finirent par tomber d’accord sur un ennemi commun : les Noirs, 7 fois plus nombreux qu’eux…

1910.
L’Union sud-africaine nait. Les boers exigent des britanniques la mise en place d’une ségrégation raciale. Les prémices de l’Apartheid. Naissance des townships et du Job reservation act.


L’Apartheid*, unique exemple au monde de codification systématique de la discrimination raciale

« L’Afrique du Sud est le pays de l’homme blanc, et il doit y rester le maître. Dans les réserves, nous sommes prêts à laisser les indigènes être les maîtres, nous n’y sommes pas les maîtres. Mais dans les zones européennes, nous, les Blancs d’Afrique du Sud, sommes et resterons les maîtres.»

Hendrik Verwoerd

Apartheid est un mot afrikaans partiellement dérivé du français, signifiant « séparation, mise à part ».
C’est le nom de la politique de discrimination mise en place pour préserver la « pureté de la race blanche » en codifiant quatre races, correspondantes à la population sud-africaine : blancs, métis, indien et noirs.

 

© Zanele Muholi Massa and Mina(h) series 2008 and ongoing

Un « développement séparé » qui prive les Non blancs de droits, leur interdit les postes à responsabilités, les mariages mixtes, les lieux publics, dans le but de protéger les Blancs de toute rébellion possible de la population majoritaire du pays. Une tâche, une honte, une aberration.
Parquer, rabaisser, positionner plus bas que terre les Noirs, afin de conserver les richesses, propriétés, le pouvoir et le contrôle du pays.

 

Mais la ségrégation ne date pas de l’Apartheid, elle date véritablement du milieu du 16ème siècle. Au 19ème siècle, les Noirs devaient déjà loger à l’écart des villes blanches dans des « Native locations » (cités-dortoir) et certains métiers étaient réservés aux Blancs via le Job reservation act. Elle satisfaisait alors des besoins économiques.

Ce qui change en 1948, c’est que le « projet de société » de Hendrik Verwoerd, le Ministre des affaires étrangères et futur Premier Ministre, est institué.

Hendrik Verwoerd, pour qui les Noirs ne sont que des « porteurs d'eaux et des coupeurs de bois » finira poignardé à mort en plein parlement.

Le Population Registration Act classifie la population en trois catégories : Européens, Coloured, Indigènes (ou Bantu), puis plus tard les Asiatiques (indiens).
Un « pass » obligatoire pour tous les Noirs, indiquant leur adresse et employeur et leur interdisant de se trouver ailleurs dans le pays,

… ainsi qu’une éducation au rabais sont mis en place : c’est ce qui mettra le feu aux poudres…
Tandis que la Christian National Education mettaient en place un enseignement basé sur la suprématie blanche, le Bantu national act, destiné aux Non blancs, les préparaient à exercer des professions inférieures et à ne surtout pas devenir trop instruits, pour éviter toute rébellion.

Verwoerd déclarât :

 Quel intérêt y aurait-il à enseigner les mathématiques à un jeune Bantu, sachant qu’il n’aura pas l’intention de mettre cet enseignement en pratique ? Ce serait tout à fait absurde. Il convient d’adapter le système d’éducation aux possibilités qui s’offriront plus tard aux élèves qui l’ont intégré, de l’adapter au milieu dans lequel ils vivent.

Suivront bientôt les Coloured Persons Education Act et Indian Education Act, qui maintiendront les métis et les indiens au même niveau d’éducation que les visages pâles.
Il en a résulté, outre les violences et les injustices institutionnalisées, une société à deux vitesses, les pauvres noirs et les riches blancs. C’est de cette société de misère qu’a hérité Mandela à sa libération, et que l’on peut encore observer dans des villes telles que Soweto, le township de Johannesbourg.
Les blancs décident où les Non blancs doivent travailler, se loger, qui ils peuvent épouser, quoi manger, quelle éducation suivre, et de leur système de santé
On élève la population blanche dans la certitude que si les Noirs ne sont pas administrés et relégués dans leurs « bantoustans » ils entretueront.

 

L’ANC et son « fauteur de troubles » : Rolihlahla

1913.
L’African National Congress, futur parti de Mandela, est crée. Au lendemain de la 2nde guerre mondiale, le parti revendique « One man one vote » : le suffrage universel. Les trois quart du pays n’a pas le droit de vote…
Quarante sept ans plus tard, le jeune avocat (il a pu entamer des études de Lettres par correspondance puis d’avocat en intégrant la seule université ouverte aux Noirs), dirige sa branche jeunesse. Il lui faut maitriser les lois occidentales pour acquérir les mêmes armes que ses oppresseurs, et leur rejeter leur contradiction à la face.
Alors inspiré par la désobéissance civile prônée et expérimentée dans le pays par un autre avocat, Gandhi, Mandela persuade d’autres militants de suivre cette voie. Mais les événements vont en décider autrement.

1960.
 69 noirs sont tués (de balles dans le dos…), par la police à Sharpeville lors d’une manifestation. L’état d’urgence est déclaré et l’ANC interdite. C’en est trop, l’ANC de Mandela n’a pas d’autres choix que de basculer dans la violence : appel à la grève générale, sabotages (symboliques, non meurtriers). Il entre en guerre avec son gouvernement. Et se cache. Mais le contexte géopolitique de l’époque joue en sa défaveur. On est en pleine guerre froide, l’Europe a besoin des minerais et métaux de l’Afrique du Sud.
Mandela parcourt l’Afrique (Tanzanie, Ghana, Ethiopie, Tunisie, Égypte, Algérie, Maroc, et même Londres) pour plaider sa cause, former ses combattants et récolter des fonds.

1962.
En échange d’un de ses agents infiltrés, la CIA aide le gouvernement a dégoté Mandela, revenu au pays déguisé en chauffeur. On est en plein roman d’espionnage.
Après 17 mois de traque, il sera condamné à la prison à vie lors du procès de Rivonia, à Pretoria, avec sept camarades de la branche militaire du parti (Umkontho We Sizwe : le fer de lance de la nation). Durant son discours de 4h (ceci dit c’est moins long que ceux de Castro, qui l’admirait d’ailleurs énormément lol), il fera alors cette déclaration devenue célèbre (surtout en anglais) :

 Toute ma vie je me suis consacré à la lutte pour le peuple africain. J'ai combattu contre la domination blanche et j'ai combattu contre la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et agir. Mais, si besoin est, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir.

Malgré cette provocation, il échappera de peu à la sentence de mort.
Alors que les autres accusés sont progressivement relâchés, lui restera emprisonné 27 ans. Le gouvernement veut le faire oublier.

Les autres accusés du procès de Rivonia.

Grâce à la découverte d’enregistrements du procès (il n’en existe pas d’images) et aux témoignages des ex-prisonniers, un film a pu voir le jour : "Le procès contre Mandela et les autres". Il permet de mettre en lumière le combat de ses camarades et de comprendre la force de leur engagement. Sisulu, Mbeki, Motsoaledi, Mlangeni, et Goldberg, des sud-africains blanc, noirs et indien, qui seront également condamnés à la prison à vie pour leur combat contre l’oppression et pour leur rêve de nation arc en ciel. Un film particulièrement émouvant, vibrant.


Robben island, " l'université Mandela "

Cellule minuscule, pas de contact avec sa famille, rations ridicules, cassage de pierre dans une carrière sous le cagnard, mais sa volonté ne faiblit pas, même quand les gardiens lui urinent dessus. Si là-bas tout est fait pour le rabaisser, le punir, l’affaiblir, le résultat est tout l’inverse. C’est là que sa force intérieure grandit et qu’il apprend à connaitre ses ennemis, voire à les transformer (un de ses geôliers écrira un livre sur lui). Ses relations avec ses gardiens lui font prendre la mesure de la peur des blancs d’être massacrés si la population noire venait au pouvoir sans volonté de le partager. Il apprend leur histoire, leur langue, prépare le dialogue, finalise ses études.

Mais dans son île-prison, son aura grandit. Et il apprend, il comprend, il se forme. L’ANC continue à vivre grâce a Oliver Tambo qui le dirige depuis l’exil.  Les violences redoublent. Alors même que sur le continent de nombreux pays se libèrent du joug colonial, les noirs sud-africains se révoltent. Des émeutes se succèdent, l’état d’urgence est déclaré : les noirs se font tirés dessus comme des lapins dans les townships. Winnie, la femme de Mandela, depuis Soweto, continue le combat.


Winnie Mandela, la Che Guevara sud-africaine

Winnie est le pendant féminin de son mari. Aussi combative, tenace et charismatique que son mari, elle endure tout, ne se laisse jamais plier. Alors que son mari purge sa peine coupé des actualités, elle « vit » les années noires de l’apartheid et continue la lutte. Elle est la seule à s’opposer ouvertement au régime, et pour cela est surveillée, arrêtée, bannie, trahie, exilée. Elle déterre les armes de l’ANC dans la terre, recrute, organise, monte une armée. On l’accuse de meurtre, d’adultère (en 27 ans il est difficile de rester fidèle !!) pour la discréditer, pour que l’ANC prenne ses distances.


Les émeutes de Soweto : Allons enfants de l’apartheid…

Le Mai 68 sud-africain est un Juin 76, et nettement plus sanglant que le notre.

Le gouvernement impose la langue afrikans aux étudiants des townships, or la jeunesse noire ne veut plus de l’éducation que le gouvernement lui réserve. Les étudiants manifestent dans la rue, les policiers tirent dans le tas : près de 600 personnes seront tuées, dont le premier est Hector Pieterson, un gamin de 13 ans, devenu le symbole de ces émeutes, qui gagnent peu à peu tous les townships du pays.

Pendant ce temps, Nelson Mandela, alors emprisonné à Robben Island, est placé à l’isolement sans possibilité de s’informer.
Tous les 4 ans, la jeunesse noire se rebellera : 1976, 1980, 1984.

Découvrir Soweto

 

Le temps de la négociation

Fin 88, Mandela doit être hospitalisé, il quitte sa prison. Le monde voit enfin des images de lui et s’enflamme : il devient une icône. La même année, le « Mandela day », un concert pharaonique, est organisé à Londres en son hommage. Les temps changent, la guerre froide est finie, le monde s’indigne (et certains artistes internationaux en remettent une couche), les Sud-africains blancs en ont marre d’être mis au ban du monde (embargos économiques, mais aussi sportifs), et surtout, la présidence change. Winnie, frontale, négocie sa libération. 


Madiba marque un point en déclarant que l'Afrikaner est un africain au même titre que n'importe lequel de ses codétenus noirs, et songe qu’à leur place et dans d'autres circonstances, il aurait pu avoir la même vue sur l'apartheid. Respect. Le gouvernement comprend qu’il va pouvoir négocier avec cet homme.

Le nouveau ministre de la justice, Kobie Coetsee,  déclare  « Il ne fait pas de doute que Mandela possède toutes les qualités pour être le leader noir numéro un de l’Afrique du Sud. Son séjour en prison n’a fait que renforcer, au lieu de diminuer, sa position psycho-politique, et il a acquis en prison le charisme caractéristique des grands leaders des mouvements de libération contemporains. »

 Le président Frederik de Klerk le libère en février 1990, après 27 ans d’emprisonnement, de prison sordide en résidences surveillées. Il a 71 ans. Il marche main dans la main avec Winnie.

« Parler à ses ennemis exige de ne pas écouter son sang, mais d’obéir à son cerveau. »

Ensemble ils négocient, préparent la transition, évitent une guerre civile au pays, et pour cela reçoivent conjointement le prix Nobel de la paix. Madiba prend sa place en 1994, jusqu’en 1999.
Mais Winnie, elle, n’est pas prête aux compromis. Elle qui a « pris les balles », ne croit pas aux promesses du gouvernement et aux positions de l’ANC. Trop radicale, elle nuit aux négociations et menacent les ambitions de certains. Tout est fait pour opposer le couple, et ca marche. Elle devient une figure controversée, Mandela doit s’en détacher, ils divorcent.


Vérité, Réconciliation, réparation


L’apartheid a pris fin grâce aux sanctions des Nations Unis, à la pression internationale, au changement de mentalité de certains afrikaners, et parce que le gouvernement n’avait plus le choix : il était dans une impasse. 4 Millions de Blancs ne pouvaient plus gérer les 35 millions de Noirs en révolte. Mais sans Nelson Mandela et le président De Klerk, le pays serait tombé dans une vindicte populaire sanglante. Au lieu de cela, Mandela est élu et une « Commission de la vérité et de la réconciliation » présidée par Desmond Tutu, sillonne le pays afin de recenser les violations des droits de l'homme durant l’Apartheid, de 1930 à 1993 : une sorte de thérapie nationale pour que les rancœurs s’expriment, que les injustices soient révélées et que les coupables s’amendent.

 Sans pardon il n’y a pas de future possible. Desmond Tutu

La population suit les audiences via le TRC Special report télévisé, toutes les semaines.
A cet effet, Winnie reçoit le pire des affronts : elle est la seule membre de l’ANC à y être « jugée », elle doit répondre du meurtre d’un espion noir, confondue par des témoins plus que douteux et contradictoires. Desmond Tutu se montre convaincu de sa culpabilité. Elle livre des excuses ambiguës, furieuse.
Le 16 décembre est devenu férié : c’est le Reconciliation day dans tous le pays.


Post apartheid, pays triste ?

1994, Mandela préside le pays depuis seulement un an, il doit réconcilier les communautés dans un pays où l’esprit de vindicte et le ressentiment gouvernent encore les cœurs.
Contre l’avis de ses conseillers, il s’allie au capitaine des Sprinboks, l’équipe de rugby nationale, pour envoyer un message fort et montrer l’union possible entre les communautés. Le président porte le maillot de l’équipe boycottée internationalement pendant longtemps à cause de l’apartheid.
L’équipe pourtant médiocre des Sprinboks remporte la coupe du monde de rugby en 1995, cœurs blancs et noirs vibrent à l’unisson d’une même fierté nationale. Le sport a joué le rôle d’élément unificateur. Mandela remet au capitaine (blanc), Francois Pienaar, le poème Invictus de William Ernest Henley, où il est dit notamment :

« I'm the master of my fate, I'm the captain of my soul »

(« Je suis le maître de mon destin, Je suis le capitaine de mon âme. »)

 

Mandela a réussi à transformer une dictature en démocratie multiraciale. Un destin que l’on souhaite aujourd’hui a de nombreux pays dans le monde…
Des Diversity trainers sont engagés dans les entreprises, afin d’apprendre aux employés à travailler ensemble. L’éducation nationale doit combler le déficit d’instruction des Non Blancs.

Le pays aujourd’hui : Un arc en ciel de vert, de rouge, de bleu et d’espoir

Notre guide, tombé amoureux du pays, semble nous dire, depuis le lieu de l’assassinat du petit Pieterson,  Maintenant, ouvrons les bras vers l’avenir.

En 2017, plus de 20 millions de Sud-Africains habitent encore les townships qui bordent les grandes villes du pays, soit plus d’une personne sur trois. Les erreurs d’hier continuent à se payer aujourd’hui et la  Nation Arc en ciel  est encore en proie à de fortes violences (le taux de criminalité est supérieur à la majorité des autres pays dans le monde, les sociétés de surveillance privées et les hautes clôtures électriques sont foison), à un fort taux de chômage (26,7%  fin 2017) et à une misère ghettoïsée. Mais celle-ci n’est plus réservée qu’à la seule population noire. Le clivage n’oppose plus les blancs et les noirs mais les riches et les pauvres. Une classe moyenne noire a émergée, mais le chemin reste encore long ; on ne sort pas de tant d’années d’oppression et de misère en un jour.

Cependant, malgré ces disparités, la loi est dorénavant la même pour tout le monde, et on ressent de plus en plus l’unité d’un pays, ce vieux rêve de Nation Arc en ciel de Mandela. Dorénavant pleinement ouverte sur le monde, pansant petit à petit ses maux, l’Afrique du Sud ouvre ses merveilles aux touristes et les sud-africains sont plus qu’heureux que le monde s’intéresse à leur pays. Il n’y a qu’à voir les saluts et les sourires aux passages des bus touristiques.

  Mon pays est riche de minerais et de pierres précieuses qui gisent naturellement sous son sol, mais j’ai toujours pensé que sa plus grande richesse était son peuple, plus beau et plus vrai que les minerais et les diamants. 

Mandela – 1995

La famille Obama visite l’ancienne cellule de Mandela.


Dans de cruelles circonstances
Je n'ai ni gémi ni pleuré
Meurtri par cette existence
Je suis debout, bien que blessé.


En ce lieu de colère et de pleurs
Se profile l'ombre de la Mort
Je ne sais ce que me réserve le sort
Mais je suis, et je resterai sans peur.


Aussi étroit soit le chemin
Nombreux, les châtiments infâmes
Je suis le maître de mon destin
Je suis le capitaine de mon âme.

Invictus – William Ernest Henle

Saviez vous? 


Le jour où Gandhi désobéit

Gandhi a vécu 21 ans en Afrique du Sud. Le jeune diplômé du barreau est alors soumis, comme tous ses autres congénères d’origine indienne, au régime de l’Apartheid. Quelques jours après son arrivée, il est débarqué d’un train au Kwazulu Natal, pour s’être rebellé : il souhaitait voyager dans le compartiment réservé aux blancs... Il doit passer la nuit à la gare, dormir sur un banc.

La gare de Pietermaritzburg, où Gandhi fut débarqué comme un mal propre.

C’est dans ce contexte de discrimination raciale que le timide jeune garçon forgera sa pensée et sa détermination, pour plus tard devenir le père et leader de la désobéissance civile non-violente, et suivre la destinée que nous lui connaissons. La condition des non blancs en Afrique du Sud l’a fait réfléchir à celle de son propre peuple en Inde.

« L’Afrique du Sud, le pays qui a inspiré le Mahatma, et que le Mahatma a inspiré, a choisi le chemin de la paix en dépit de tous les oiseaux de mauvaise augure. Nous avons choisi ce chemin, la route de la négociation et du compromis. Nous espérons avoir honoré sa mémoire. Et que d‘autres, en souvenir de cette grande tradition, nous imiteront. »

A Franschhoek, la statue de Gandhi fait face à celle de Mandela dans le jardin de la boutique hôtel Leeu House.

La Satyagraha (le « pouvoir de la vérité » en Sanskrit) house, située près de Johannesburg, retrace la vie de Gandhi en Afrique du Sud. Cette maison ne l’a hébergé qu’1 an, mais il y a développé son concept de résistance passive.