Kedi Pachas, les chats d’Istanbul

Les tokyoïtes et leurs bars à chat peuvent aller se rhabiller, car s’il est bien un endroit ou les cat lovers se régalent, c’est à Istanbul.
Ici pas besoin de payer une consommation, les chats, en bonne santé, sont partout.
Et ils nous en apprennent un peu plus sur ses habitants...

Chats à Istanbul

Inscrits dans le quotidien stambouliote, on les croise dans les cimetières, les jardins, auprès des pêcheurs, des commerces, sur les bancs du tramway, même dans certaines mosquées et surtout dans le quartier de Cihangir, « où le chat est aussi sacré que la vache en Inde ».

Chats à Istanbul
Chats à Istanbul
Chats à Istanbul

 

Mais pourquoi tant de chats dans la rue (et si peu de chiens ?)

La présence des félins dans la ville s’explique par différents facteurs.
A l’époque des navires marchands, les chats étaient indispensables pour protéger les bateaux des ravages des rongeurs. Beaucoup de marins en firent ainsi voyager de toutes races – c’est ainsi que l’on trouve même de beaux chats norvégiens dans les rues –,  et certains décidaient (on impose jamais rien à un chat !) de rester sur place, ou loupaient le bateau. A l’installation de canalisations dans la ville, chaque foyer avait son chat pour chasser les rats.
D’autre part, si l’Islam considère les chiens comme impurs, il porte en revanche beaucoup de respect aux chats, et ce depuis Mahomet. Le prophète était très attaché à sa chatte Muezza et redevable à de nombreux félins de l’avoir sauvé d’une morsure de serpents venimeux. Il aurait même prononcé ces paroles : «  L’amour du chat fait partie de la foi.».
Au contraire du chien, le chat ne considère pas l’homme comme un dieu. Il a son caractère, sa singularité.

 Ils sont plus de 125 000 dans la ville, constituant un véritable patrimoine commun aux habitants, qui les nourrissent, soignent et protègent des intempéries.

Kedi
Chats à Istanbul

 

Pas de chat chez soi, mais tous un compte chez le vétérinaire

Posséder un animal domestique n’est pas si commun à Istanbul, et s’occuper de ceux des rues participe d’un intérêt commun, d’une responsabilité.
Les chats chassent les nuisibles, égayent les quartiers en deviennent parfois de véritables figures et apportent de la tendresse. Chacun peut en avoir sa part en caressant un félin à chaque coin de rue. En retour, les stambouliotes respectent leur nature indépendante et s’en occupent à leur frais. Il n’est pas rare que les pourboires servent à payer la facture du veto.

Chats à Istanbul

 

La loi turque – bien avant que chez nous les animaux domestiques ne soient plus considérés  comme des meubles – protège les droits des animaux « domestiques sans propriétaires » et leur construit des refuges avec de la nourriture pour passer l’hiver. Bien sûr il faut réguler cette population semi-sauvage, à force de campagnes de stérilisation. Tout cela a un coût, mais les kedis – chat en turc – le rendent bien, ne serait-ce que par la notoriété qu’ils apportent à la ville.

 

Figure de quartiers

Qui se souvient de Tombili, chat décédé en 2016, star de son quartier, pacha caïd affalé sur les trottoirs, scrutant son territoire ?

Tombili

Tombili et sa statue effigie dans son quartier à Kadiköy, impasse Güleç.

Et de Gli, le chat de Sainte Sophie, qui a serré la pince à Obama et prend régulièrement la pose pour les touristes?

Gli

 

Ayant élu domicile dans l'un des plus bâtiments du monde il y a près de 14 ans, ses yeux verts et sa silhouette font partie de l'attrait du site.

Gli
Gli et Obama

Gli

Gli en conférences de presse ...

 

Les chats d’Istanbul sont devenus un des symboles culturels de la ville et des vecteurs de lien social dans les quartiers.
Pour illustrer leur différents caractères, travers et modes de vie, le cinéma turc a même crée son anti héros, Serafettin le « bad cat » alias Chero.
Adapté d’une bande dessinée, il est sale, jure, insulte son propriétaire, tue, boit … Il n’est pas très catholique, ni musulman d’ailleurs ! Très trèèèèès loin de Disney (éloignez les enfants !), mais drôle. Il sème les catastrophes. Les chiens détalent en le voyant. Ses potes sont une mouette, un rat et bien sûr les autres chats du quartier.

Serafettin

« Ta rengaine c’est encore pire que l’Eurovision »

« On dirait un chihuahua monté par un Saint Bernard  »

 « T'as vidé toute la picole en lousdé ! »

« C’est la fin de ta 9ème vie ! »

 

Le documentaire Kedi, Des chats et des hommes, sorti en 2017, s’attache à représenter le lien si particulier qui unit les chats à la ville à travers 7 félins.

 

Ce que cela nous apprend sur les stambouliotes

Au delà du côté anecdotique, le mode de vie et la santé de ces chats (on est loin des vieux matous galeux avec un œil crevé fouillant dans une poubelle) permettent de mieux comprendre les stambouliotes.
Ils respectent le chat pour sa singularité, sa liberté – on ne choisit pas un chat, c’est lui qui vous choisit –, son indépendance, son raffinement, sa propreté. La manière dont ils en prennent soin collectivement, sans notion d’appartenance individuelle, démontrent leur générosité, sensibilité et respect pour ces félins qui volent les poissons, renversent les sacs de grains sur les marchés, mais cajolent aussi les âmes esseulées meurtries par la vie, amusent les marchands, attendent fidèlement le retour du pécheur sur le quai.
J’aime l’amour de cette ville pour ses chats, cela me la rend plus sensible, affectueuse, attachante, tolérante et bienveillante.

Chats à Istanbul

" Ca sent le sandwich au thon non ?! "

 

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