Johnny Clegg, le seul blanc de la fête

Johnny Clegg nous a quitté le 16 juillet 2019.
Focus sur un artiste dont la musique fût bien plus qu'un divertissement, mais un combat, un cri au monde, l'expression d'un courage et d'une passion.

Johnny Clegg

 

  • C’est son beau père, journaliste, qui l’initie à la culture africaine. Enfant, il apprend la langue ndebele auprès du fils du chauffeur de la famille.
  • Le zulu blanc (ou Umzulu Omhlope), a d’abord souhaité être garde-chasse pour vivre dans la brousse, mais finit par suivre des études d’anthropologie. Il enseigne jusqu’en 1982, pour ensuite se consacrer entièrement à la musique.
  • Issu d’une famille juive, il choisit de rejeter cette religion, car selon lui la communauté juive d’Afrique du Sud se sert de l’apartheid, au même titre que les autres.

 (A 17 ans) je me sentais coupable d’être Blanc, je ne voulais plus faire parte du système. C’était purement émotionnel, je ne pouvais plus supporter le monde des Blancs. J’ai donc coupé les ponts avec la culture occidentale.

 

  • Il fuguera durant trois semaines en territoire zoulou avec deux amis avant d'être retrouvé par la police.
  • La danse tribale est la véritable passion de sa vie : Johnny apprend en premier lieu la danse isibhaca

J’étais le premier Blanc qui assistait à ça, et les zoulous pensaient tous que j’étais cinglé.

 

  • Il danse tous les mardis et vendredis soirs dans un hostel (une auberge pour travailleurs migrants) de Joburg, et se fait régulièrement arrêté par la police.

 Après avoir appris correctement la technique pour lever le pied et lancer la jambe en l’air à la verticale, on peut bouger et taper du pied en gardant son équilibre. L’idée, c’est de projeter la force et l’énergie pendant un moment très bref, puis de se reposer sur une période courte, une seconde au plus. Il y a deux messages dans la danse zoulou. Etre un guerrier d’abord et transmettre un sentiment de puissance au public.

Danse Zoulou à Soweto

   Son fameux levée de jambe, diffusé grâce aux clips vidéos, popularisera le groupe Savuka aux yeux du monde.

 

  • Dans les années 60, il brave les interdits pour rejoindre ses potes danseurs et musiciens sur les toits des résidences pour travailleurs noirs (hostels) de Joburg où il dansait avec les troupes traditionnelles. Il se fait souvent arrêté par la police.

Nous devions faire preuve de mille et une astuces pour contourner la myriade de lois qui empêchaient tout rapprochement interracial.

  • Ses albums, malgré leur succès international, furent interdits en Afrique du Sud durant l‘apartheid. Mélanger l’anglais et la langue zulu était un véritable acte politique, la preuve qu’une communication était possible entre les deux communautés. Ses concerts sont parfois sabotés (fils de sono déconnectés, etc.)

L’apartheid avait du caractère, comme un animal, et cette animal dormait, se nourrissait, était content, se mettait en colère. Ou bien, fatigué, il somnolait.  Nous avons appris à vivre en sa compagnie. On savait quand il était en colère, comment lui parler, où il dormait et les endroits  où il n’allait jamais. On savait comment l’éviter, et nous nous glissions dans les trous du système.

 

  • Dudu Zulu, danseur et percussionniste du groupe Johnny Clegg and Savuka, meurt assassiné en 1992 de 7 balles dans le dos par des inconnus, à son domicile.
Johnny Clegg et Dudu Zulu

Dudu Zulu et Johnny sur scène.

Johnny Clegg écrira pour son ami Osiyeza.

 

  • Lorsque Asimbonanga, son tube international, sort, il est censuré dans son pays. Mandela est alors toujours incarcéré à Robben Island et la seule évocation de son nom est strictement interdite.

En 1986, j'avais écrit pour Mandela une chanson "Asimbonanga" qui signifie en zoulou "nous ne l'avons pas vu". A l'époque, nous savions qu'il était emprisonné sur Robben Island, mais comme nous n'étions pas autorisés à avoir un portrait de lui, c'était pour nous un symbole sans visage, une étoile qui brillait dans notre ciel.

  • Le groupe Johnny Clegg & Savuka naît après que son partenaire, Sipho, décide de repartir vivre dans le Kwazulu Natal. Savuka signifie en zoulou « nous sommes nés, nous sommes réveillés » et porte une connotation de soulèvement.
  • L’album African Litany est devenu disque d’or en 3 mois. Il s’est vendu à 40 000 exemplaires en Afrique du Sud.
Johnny Clegg

En 2017, profitant d'une remission, il entame sa tourne d’adieu à la scène, mais une rechute le force à annuler une partie de ses concerts, dont celui prévu en France.
Son état s'aggrave en 2018. A "Final journey" sonne plus que jamais comme un adieu. L'artiste est conscient de vivre ses dernières années, voire mois.
Johnny Clegg a lutté contre le cancer pendant quatre ans et demi. Décédé à l'age de 66 ans il laisse une empreinte indélébile sur le monde de la musique et de l'Afrique.
Peu d'artistes peuvent se targuer d'avoir donner autant de portée à leur œuvre.

Le 1er septembre 2019, la troupe de danse George Goch Hostel organise un hommage au chanteur :