Indissociables de l’image de la ville, les bazars d’Istanbul racontent le passé multiculturel de l’ancienne Constantinople ottomane.
Profusions d’odeurs, de couleurs, de marchandises étalées dans des ruelles labyrinthiques, c’est l’effervescence même, comme au temps de la mythique Route de la soie.
Le Grand Bazar
Rive européenne, quartier de Beyazit
Au centre de la ville, se situe le plus ancien et le plus grand marché couvert au monde : 200 000 m², 4000 boutiques. Une ville dans la ville.
L’un des lieux les plus fréquentés au monde fut la dernière étape de la Route de la soie, où les marchandises les plus précieuses étaient vendues ou échangées.
Une des portes d’entrée du bazar, qui porte le nom de la mosquée voisine.
Comme l’a écrit le poète Orhan Veli, chaque rue, chaque allée du Grand Bazar sentent l'histoire.
Il doit sa construction, en 1455, et ses différents agrandissements à deux sultans : Mehmet II le Conquérant et Soliman le magnifique. Toujours les mêmes… La ville n’aurait définitivement pas le même visage sans eux.
© toutistanbul.com
La partie la plus ancienne, le vieux « Bedesten », est aujourd’hui le coin des antiquaires (armes anciennes, bijoux, parures, vaisselles, argenteries, pièces de monnaie, etc.). Ce labyrinthe de 58 rues est organisé en quartiers : là vous trouverez des mosaïques, là du cuir, des bijoux, etc. Bien que dans l’allée centrale les boutiques de souvenirs bouleversent un peu cette organisation. Un joyeux bordel donc.
« C’est tout un labyrinthe solidement construit en pierre dans le goût byzantin et où l’on trouve un abri vaste contre la chaleur du jour. D’immenses galeries, les unes cintrées, les autres construites en ogives, avec des piliers sculptés et des colonnades, sont consacrées chacune à un genre particulier de marchandises. On admire surtout les vêtements et les babouches des femmes, les étoffes brodées et lamées, les cachemires, les tapis, les meubles incrustés d’or, d’argent et de nacre, l’orfèvrerie et plus encore les armes brillantes réunies dans cette partie du bazar qu’on appelle le Bedestain. »
Nerval – Voyage en Orient
Les arcades du Bedesten.
Mais si les couleurs des épices, lampes, mosaïques et différentes pacotilles attirent inévitablement l’œil, il ne faut surtout pas oublier de lever le nez. L’architecture du lieu, ses belles arcades de mosaïques bleues, rouges et vertes, nous rappellent que nous ne sommes pas dans une vulgaire halle couverte, mais dans un ancien carrefour de marchandises, géré par un empire ayant dominé pendant six siècles une grande partie du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord.
Les caravansérails et han
Du temps de la Route de la soie, les marchandises du Grand Bazar étaient acheminées par les caravaniers, qui faisaient halte dans des espaces où ils pouvaient stocker leurs produits (dans les han), manger et dormir en sécurité pendant 3 jours maximum, à titre gratuit. Les autres voyageurs et pèlerins pouvaient également y faire une halte reposante.
Cette hôtellerie pour voyageurs de commerce était constituée de caravansérails.
Un exemple de caravansérail en plein désert. Il faut juste imaginer remplacer le camion par des chameaux.
Le Grand Bazar en comprend 16, dont le plus ancien et principal est le « Vieux bazar », situé au centre des tous les couloirs.
Les autres se trouvent autour du bazar.
Le Buyuk valide han, le toit presque secret de la ville, est un repère d' instagrammeurs.
Vue sur la Mosquée bleue, la Tour de Galata et le Bosphore.
Assez difficile à trouver, il existe une pancarte mais en partie effacée. N’hésitez pas à demander votre chemin. Arrivés sur les lieux, montez les escaliers sur votre gauche, puis tout droit, puis à droite jusqu'à une vieille porte verrouillée. Un petit malin sera là pour déverrouiller la porte contre quelques lires, sauf si vous arrivez trop tôt (laissez lui le temps de boire son café et de manger son simit quand même !).
#büyükvalidehan
Les produits
A boire (du thé), à manger (des turkish delights), des fringues (pas top à part si vous aimez le cuir, ou les soirées costumées), du parfum (assez capiteux, ou alors des reproductions de parfums connus dont je ne parierais pas sur la tenue), des assiettes artisanales, des services à thé et à café (très raffinés), des statues, des lampes (très jolies et peu chères pour les petits modèles de chevet), des épices, des souvenirs de toute sorte et beaucoup, beaucoup de bijoux en or (22 milliards d’euro en or y circule par an), et bien sûr le Nazar boncuk, l’œil bleu de Turquie.
Bref, c’est le bazar.
Le Nazar boncuk, littéralement « amulette contre le mauvais œil », est très répandu en Turquie. Sensé protéger contre le mal, il se décline partout en pendentif, bracelet, porte clés. Les authentiques sont en pâte de verre et fabriqués par des gitans en Turquie.
« L’œil bleu » est un vestige de l’antiquité, du temps où la religion Tentriste (à ne pas confondre avec « tantrique » lol) régnait parmi les populations turques et mongoles. Un poil superstitieux.
Les lithographies sont de jolis souvenirs à rapporter. Dessinées par des artistes locaux, leur prix dépend de la taille, de la finesse des détails et des dorures. Pour autant négociez ferme et comparez. Le plus dur sera de choisir parmi les différentes boutiques.
Les tapis
Un week end à Istanbul est l’occasion rêvée pour ramener un tapis. Il en existe différents : de prière, kilim (tissé à points plats), ou d’Hereke (en soie, ceux des palais de l’Empire), artisanaux ou simplement sortis d’usine. Un beau tapis kilim comme celui-ci se négocie à 400€ :
Il faut à tout prix se perdre dans l’effervescence du bazar, plaisanter avec les vendeurs, négocier, et se faire avoir au moins une fois, sinon les vacances n’en sont pas vraiment ! lol
La négociation
Ce n'est pas un scoop, le Grand Bazar peut être un attrape touriste. A titre d’exemple, un vendeur a tenté de m’extorquer 77 € pour une minuscule bouteille de parfum. Je vous conseille d’y faire vite fait un premier tour pour découvrir les lieux, jauger la marchandise et prendre des photos, puis de revenir un ou deux jours avant la fin de votre séjour, cette fois avec plus de temps. Vous aurez alors une meilleure idée de ce que vous voulez, des prix pratiqués ailleurs, et de la place qu’il reste dans votre valise !
Question négociation, ce n’est pas le souk de Marrakech en plein ramadan : si vous serez beaucoup sollicité, personne ne vous agressera et les négociations se passeront avec le sourire. Pas de secret : ne pas montrer trop d’intérêt, faire mine de partir : dans la plupart des cas le vendeur vous rappellera.
Surtout ne négligez pas les rues alentours, vous y trouverez souvent les mêmes produits, moins chers, et parfois plus authentiques.
Le Grand Bazar a souffert, rien ne lui a été épargné : incendies, tremblements de terre, dont le plus terrible fut celui de 1894. Cette année là, la terre trembla 12 fois en 45 jours, faisant s’effondrer tous les minarets de la ville, jusqu’aux façades de Sainte Sophie.
Aujourd’hui sa structure est à nouveau menacée, détériorée par le poids des ans. Le toit, déjà sérieusement abimé, en a pris un petit coup lors du tournage de Skyfall, lorsque James Bond s'est lancé dans une course-poursuite à moto sur ses toits.
Le meilleur moment pour y aller. Ouvert de 9h à 19h du lundi au samedi. Evitez la foule du samedi si possible.
#kapalıçarşı
Le bazar égyptien
Rive européenne, quartier d'Eminönü
Situé entre la mosquée de Rustem Pacha et la Mosquée Neuve (Yeni camii), ce bazar fut construit grâce aux impôts égyptiens, car l'Egypte faisait alors partie de l’empire. Si l’on y vendait à l’époque des épices et des plantes médicinales, vous y trouverez aujourd’hui à peu près la même chose qu’au Grand Bazar, mais avec beaucoup plus de spécialités locales (fromages, pâtisseries, confitures).
Un des cafés préférés des stambouliotes s’y trouve, le Kurukahveci Mehmet Efendi Turkish Coffee, devant lequel ils n’hésitent pas à faire la queue.
Le Kurukahveci Mehmet Efendi Turkish Coffee, entreprise de torréfaction fondée en 1871.
Le meilleur moment pour y aller. Ouvert tous les jours de 9h30 à 19h. Perdez-vous dans les rues autour du bazar et mangez-y, par exemple après votre visite de la mosquée Rustem Pacha.