Une brève histoire de Madagascar

Terre de pirates, de rois, d’esclaves et de colons, Madagascar a fini par conquérir son indépendance.
Mais son histoire contemporaine semble aussi chaotique que ses temps passés…

M   adagascar, la cinquième île du monde en superficie (587 295 km²), s’est séparée du continent africain il y a environ 120 millions d'années.

Si aujourd’hui le pays est composé de plusieurs ethnies, ses premiers habitants sont venus de l'archipel indonésien et d’Afrique orientale (bantous) il y a 2000 ans. Il est vrai que le faciès des malgaches fait penser au métissage des faciès africain et indonésien.

Une faune et une flore exceptionnelles, mais en danger

Toutes les périodes de l’histoire de la planète se retrouvent sur ce concentré de nature, ce qui permet d’y observer des reliefs et formations datant de la nuit des temps.
Son isolement au cours des temps géologiques a fait évoluer sa faune et sa flore de façon unique. Les lémuriens n‘en sont qu’un exemple : 80 à 90 % des espèces présentes sur l’île n'existent nulle part ailleurs dans le monde. Mais en dehors des aires protégées, la déforestation intensive les menace gravement.

Terre de pirates, de rois et d’esclaves

1500

Le 1^er européen à découvrir, par hasard, cette terre au large de l’Afrique, est un portugais, le capitaine Diogo Dias. Mais il se contente de rester sur la côte et ne pénètre pas le territoire.

17^ème siècle

  Les européens finissent par investir le pays, pour le pire : ils y introduisent les armes à feu, et l’esclavage. Attirés par les marchandises de la Compagnie française des Indes orientales, la piraterie se développe. Ces derniers attaquent les navires transportant des biens en provenance d’Inde vers l’Europe.

19^ème siècle

Deux ethnies rivales, les Sakalavas à l’ouest et les Merina (ou mernes) sur le reste de l’île, contrôlent leur royaume respectif.
Le commerce dans l’Océan indien se partage entre les français et les anglais.
Les Merina s’ouvrent un temps à ces derniers pour étendre leur autorité sur l’île : des armes contre des esclaves. Ils permettent aux missionnaires de répandre leurs bonnes paroles, tandis qu’un début d’industrie émerge.

Le roi Radama 1^er instaure une collaboration avec les européens, fructueuse en termes d’enseignement. Fasciné par Napoléon, il va jusqu'à porter un uniforme qui lui doit le surnom de « perroquet ».

Alcoolique et atteint de syphilis, il se suicidera dans une crise de delirium tremens.

Ranavalona, la Caligula femelle

Mais si le roi des Merina fut très conciliant avec les européens, permettant ainsi à son pays de se moderniser, sa veuve (et cousine germaine), le sera beaucoup moins…
Ranavalona signifie « calme et lisse comme l’eau » : rien ne saurait moins bien décrire le personnage.
"L’Ogresse couronnée”, la “Néron ou Caligula femelle” prend le pouvoir à son décès (alors qu’aucune femme n’avait précédemment occupé cette position) et se méfie de l’influence sournoise des anglais. Consciente que son pays a besoin de leur enseignement et d’un nouveau système éducatif – elle est elle-même peu instruite –, elle rejette en revanche le christianisme des missionnaires, qui remet en cause le pouvoir royal « céleste », fondé sur l’adoration des dieux malgaches et donc son propre pouvoir.

  Ces chrétiens prêchaient l’égalité, la fraternité, l’abolition de l’esclavage et se moquaient des idées royales. 

 Les missionnaires cherchent à capturer l’âme de mon peuple au nom de leur propre ancêtre.(...) Je brise leurs armes, je rejette leurs navires, mais ils reviennent en secret pour nous corrompre de l’intérieur. 

Ranavalo, Reine cruelle. Pierre Sogno

Elle fait tuer entre 20 000 et 30 000 de ses opposants par an, pourchasse et massacre les malgaches convertis au christianisme considérés comme des traîtres à la patrie, et expulse les anglais.
Si la défense de l’indépendance menacée du pays légitime certaines pratiques, d’autres, exercées au nom du respect des coutumes des ancêtres, le sont beaucoup moins : elle aurait rétabli la coutume horrible d’abandonner les bébés nés un jour néfaste (je n’ai trouvé qu’une seule source à ce sujet donc prudence…quoiqu’il en soit cette coutume fut abandonnée au 19^ème siècle) et relance le commerce des esclaves, parmi lesquels les membres des tribus hostiles asservis.
Epreuves du tanguin à tire larigot, sacrifices de zébus à tout bout de champ, exécutions et tortures pour un oui pour un non, la reine mérite bien ses surnoms.

Il est possible de visiter le Palais de la Reine à Antananarivo la capitale, d’où vous pourrez profiter d’un panorama sur la ville et ses rizières du haut de ses 1430 mètres d’altitude. Ancienne garnison royale, le palais a donné son nom à la ville, Antananarivo signifiant la « Ville des Mille » (soldats).

Jean Laborde, l’Aventurier

Les relations avec les européens sont gelées pendant un temps jusqu’à ce qu’un français rentre dans les petits papiers de la souveraine – et accessoirement dans son lit – Jean Laborde. Cet aventurier autodidacte, atterrit sur les rives du pays à 26 ans suite à un naufrage, devient le 1^er consul de France et apporte au pays en mal de modernisation de nouvelles techniques industrielles. Il fait produire du savon, de la porcelaine, des outils en métaux, des armes à feu, et construit le palais de la reine à Antananarivo. Dans ces temps où les européens ne sont plus en odeur de sainteté, il représente une sacrée aubaine pour les relations franco malgaches.
Le climat se détend donc, et des missionnaires tentent de rentrer à nouveau à Madagascar, déguisés en médecins. En 1857, le propre fils de la reine, Radama II, qui s’était fait baptisé en scred, fomente un coup d’état sous l’influence de Laborde. Loupé. Tous les européens, dont Laborde, sont expulsés.
Malgré la ruine de ses biens, Laborde souhaite véritablement inscrire son destin à Mada (il y a même fait construire son tombeau). N’attendant qu’une chose; revenir dans l’Ile Rouge, il s’exile à la Réunion et à Maurice en attendant des jours meilleurs. Qui arriveront avec le décès de la reine et la montée sur le trône de son fils Radama II. Laborde devient alors consul de France. Commence alors la première ère de colonisation française, avec la Compagnie française de Madagascar, jusqu'à celle des anglais, suite à l’assassinat du jeune roi. Laborde mourra à Mada et aura droit à des funérailles nationales.

Une expression contemporaine malgache le cite même : « Manao an’i Laborde tsy ho vazaha » qui signifie « Faire comme si Laborde n’était pas vazaha (un blanc) ». Autrement dit bien naïf celui qui croit qu’un individu peut changer.

Le roi « traître à son propre pays »

Radama II conduit une politique radicalement différente de sa mère. Beaucoup plus libéral envers les européens – autant dire les français –, il abolit la peine de mort, libère les esclaves, proclame la liberté des cultes et réduit la durée du service militaire. Mais ses réformes, si justes soient elles, sont jugées dangereuses pour la souveraineté et en décalage avec les réalités économiques du pays. Il sera étranglé 2 ans plus tard, accusé de « brader » Madagascar aux européens, ce qui n’était pas faux : il octroya par exemple à un français le droit exclusif d’exploiter le Nord du pays.

Colonisation française et luttes d’indépendance

L’histoire donnera raison à la reine Ranavalona au moins sur un point : en 1896 Madagascar devient une colonie française.
Si la colonisation a permis au pays de se doter d’infrastructures (voies ferrées, école de Médecine, réseau routier) et d’abolir l’esclavage, elle pille en échange ses ressources : son bois, ses épices, sa vanille. Les malgaches se révoltent par les armes à plusieurs reprises, plus de 89 000 hommes seront tués.

Le Madagaskar Projekt

1940.

Seconde Guerre Mondiale. Les allemands sont persuadés de vaincre la France et le Royaume Uni. Le 3^ème Reich doit trouver une solution à son problème « juif », c'est-à-dire où déplacer ces populations indésirées. Si la France devient allemande, ses colonies le deviendront aussi, or il existe parmi celles-ci un vaste territoire où pourrait être expédiés près de 4 à 5 millions de juifs européens : Madagascar. Plan qui emballait Himmler, Reinhard Heydrich, et Hitler lui-même. Celui-ci aurait pu être appliqué si le Royaume Uni n’avait opposé autant de résistance et empêché les allemands de prendre le contrôle des voies maritimes de l’Atlantique.

Il était ainsi prévu de transformer 500 000 km² de l’île en ghetto, où les juifs auraient été parqués après avoir été spoliés. Les navires auraient alors remplacé les trains, pour une destination certainement aussi funeste.
L’entrée en guerre de l’Allemagne contre l’URSS enterre définitivement le Plan Madagascar : les déportations seront organisées vers l’Est. Et la Solution Finale appliquée…

La République malgache : luttes de pouvoirs, magouilles, et pathétisme

En 1960, la République malgache est instituée et l’indépendance est proclamée, à l’instar de nombreux pays d’Afrique. Philibert Tsiranana, le « père de l’indépendance » devient le 1^er président du pays. Il pose les bases du « socialisme malgache ».
Entre vrais faux dictateurs, fraudes électorales et coups d’état, les suites politiques du pays sont peu reluisantes et explique son état de pauvreté actuel. C’est clairement du grand n’importe quoi.

Didier Ratsiraka, l’Amiral rouge

Au pays de la corruption, les élections sont souvent controversées. De 1975 à 1991, Didier Ratsiraka règne en dictateur sur la République démocratique de Madagascar. Sa politique très inspirée du marxisme (on l’appelle l’Amiral Rouge) est une catastrophe, dont les effets sont perceptibles encore aujourd’hui. L'économie s'effondre, la dette publique explose, les investisseurs se retirent, l’activité économique se dégrade, Madagascar rentre parmi les pays les plus pauvres du monde.

«  Etat sanitaire déplorable, économie en faillite, misère généralisée : après les années de rêve, celles des cauchemars étaient elles venues ? Une chose était sûre, je ne tarderais pas à connaitre le metteur en scène de cette tragédie : le président Ratsiraka. C’était lui le grand chef d’orchestre de ce qui est considéré aujourd’hui comme un véritable désastre ! »

Père Pedro, Combattant de l’espérance

Le peuple ne veut plus de lui et se soulève. Il devra céder le pouvoir en 2001 à Marc Ravalomanana, dans un climat ubuesque : entre accusation de falsification des résultats de l’élection et auto proclamation de présidence, deux camps, deux présidents potentiels s’affrontent après les élections, avec chacun ses partisans. L’ancien président devra céder et s’exiler en France (à Neuilly). Il sera condamné par contumace à 10 ans de travaux forcés et à 10 millions de francs malgaches, mais amnistié. Ce qui ne le dissuadera pas de présenter à nouveau sa candidature aux élections de 2013, et de les remporter. Jusqu'à ce qu’il soit détrôné par le maire de la capitale, Marc Ravalomanana.

Le documentaire de Public Sénat retrace les épisodes de ces « 7 mois de chaos » durant lesquels le pays fut sans dessus dessous :

Marc Ravalomanana, la promesse (déçue) d’un nouveau Madagascar

Cet industriel incarne un temps l’espoir d’un renouveau et d’un véritable changement dans le pays, n’est pas à une contradiction près. L'homme, qui ressemble à une sorte de Sacha Distel malgache, promet de démocratiser le pays. Ce qui ne l’empêche pas de contrôler l’audiovisuel malgache et d’expulser les journalistes étrangers qui le dérangent…Le pays est pauvre, mais il veut s’offrir un jet présidentiel à 60 000 000 $ et exonère son groupe agro-alimentaire, TIKO, de payer des impôts. Il crée des organismes pour lutter contre la corruption (rire) et le blanchiment d'argent, mais attribue un marché à une entreprise de son groupe, pour un très trèssssss bon prix.
Il fait abattre des partisans de son opposant devant le palais présidentiel. Ses dérives ne sont plus tolérées ; en 2009 la multiplication de manifestations sanglantes et de pillages le forcent à démissionner et à s’exiler. Il réussit toutefois à revenir au pays et se prépare pour les élections fin 2018… Bon courage.

Andry Rajoelina, le dj (p)résident

Andry Rajoelina, ancien DJ devenu patron de chaîne et maire de Tana s'autoproclame président de « la Haute autorité de transition » après avoir mené des actions visant à virer Ravalomanana. Il réussit à soutirer 10 millions d'euros à la France (Sarkozy), pour aider le pays. Avec moult rebondissements dignes d’une série politique américaine, il restera 4 ans à la tête du pays, qui est toujours aussi pauvre, voire pire. Les ressources naturelles n'ont jamais été autant pillées. Élu pour un second mandat le 18 janvier 2009, il est l'actuel président du pays.

Hery Rajaonarimampianina, l’ami des trafiquants

Élu président le 25 janvier 2014.
Bon, bah ce ne sera pas encore avec celui là… La liste de ses casseroles est aussi longue que les syllabes de son nom.

En 2015 des députés essaient de destituer cet ancien ministre des finances de l'Amiral rouge, mais ils échouent. En 2017, sa conseillère spéciale, impliquée dans plusieurs affaires de corruption (détournement de fonds publics, abus de fonction et favoritisme dans l'attribution de marchés publics), est incarcérée.
Bref, rien ne change….

Le Bois de rose, un trafic lucratif

Madagascar possède dans ses forêts des ressources exceptionnelles, parfois menacées par les cyclones et les inondations. mais surtout par l'avidité des hommes... Parmi ces espèces en voie de disparition figure le bois de rose, utilisé pour l’élaboration de meubles, d’instruments de musique et dont l’huile rentre dans la composition de certains parfums. Toute récolte, commerce et bien sûr exportation de ce bois sont donc interdits à Mada depuis 2010. Seulement voila, le président Rajaonarimampianina ne semble pas s’encombrer de ces considérations écologiques et ne souhaite surtout pas tourner le dos aux riches trafiquants de ce commerce illégal, qui ont appuyé son élection, ceux là meme qui se sont enrichis de la meme manière durant l'ère Rajoelina. Il ferme donc les yeux sur leurs activités, très lucratives notamment grâce au marché chinois. Jusqu'à ce qu’il n’y ait plus de bois de rose malgache…On se demande à quoi sert le ministre de l’Ecologie malgache.

mais le pire

L’histoire contemporaine de l’île est désespérante. Les dirigeants se succèdent et se ressemblent. Tout pour leur gueule, rien pour la population, au delà de ce que la communication les oblige à concéder. Comme l’explique Rivo, jeune chauffeur malgache, la situation s’arrange avant les élections pour se dégrader après.

Madagascar est toujours l'un des pays les plus pauvres du monde. La richesse des ressources naturelles du pays tranchent avec la pauvreté de ses habitants. Une classe politique corrompue jusqu’aux os, des policiers que l’on fuit pour éviter les bakchichs, des sous sols exploités par des compagnies étrangères mais dont les malgaches – en dehors des politiciens – ne profitent pas.

Nombre d’investisseurs occidentaux débarquent à Madagascar avec l’unique préoccupation de la rentabilité. Ils rivalisent de ruse pour s’approprier les actifs du pays, en dépit des obstacles dressées par l’état malgache; les uns corrompent les fonctionnaires, d’autres tentent de les intimider (…).

Père Pedro.

 Mais aussi un manque criant d’infrastructures, des enfants devant marcher des heures pour se rendre à l’école, la peste qui sévit toujours en été…
Difficile à croire au 21^ème siècle.

 Il est moins dangereux pour un berger de garder des moutons maigres que pour un roi d'avoir des sujets faméliques.

Proverbe malgache